Low-cost veut-il dire mauvais management ?

Low-cost veut-il dire mauvais management ?

Devons-nous accepter l’équivalence entre low cost et mauvais management, au sens d’un management non respectueux des salariés, in fine inefficace et contreproductif ? Le modèle low cost implique t-il un tel management ? Les entreprises low cost n’ont-elles pas le choix sur leur mode de management ?

La même semaine de septembre, les médias ont fait leurs choux gras à propos de Lidl et de Ryanair, deux entreprises devenues parangons du modèle low cost. Lidl, mis en cause dans l’émission Cash Investigation, y apparaît comme une entreprise permissive sur ses pratiques RH et managériales, avec des managers de terrain qui harcèlent les salariés, qui ne respectent pas la loi en interdisant les pauses et qui les robotisent en leur proscrivant toute interaction avec les autres. Ryanair a de son côté désagréablement surpris en annulant plusieurs dizaines de milliers de vol, clients et investisseurs détestant les annulations massives de vol. Derrière l’explication alambiquée de la ponctualité des vols se cachait une réalité : la fuite des pilotes.

Ces deux exemples sont intéressants car ils soulignent plusieurs faiblesses.

D’abord, le low cost ne s’accommode pas d’aléa et d’incertitude : il repose sur des processus parfaitement maîtrisés et exécutés, de la part des différents acteurs. Or dans l’exemple de Ryanair, on est face à un événement soudain, venant non pas de l’environnement mais de l’interne de l’entreprise, qui désorganise complètement les opérations et le commercial de l’entreprise : la fuite des pilotes. Ensuite, ces exemples pointent le maillon RH, semble t-il le maillon faible dans les deux entreprises. Ainsi chez Lidl, on est face à la diffusion, via le responsable du point de vente, d’une forme de management qui combine pression et dénigrement des salariés. Forme de management non adaptée et sur laquelle la RH ne joue pas son rôle, ni en amont (formation et prévention) ni en aval (sanction).

Il faut aussi voir dans ces deux exemples, des situations assez différentes.

La pression concurrentielle amène toutes les compagnies aériennes à engager des actions continues d’amélioration de gains de productivité. On comprend que les pilotes ont été ciblés chez Ryanair et que la tension créée par la direction de l’entreprise, sur les pilotes, n’a pas été bien pesée. Mais dans le passé récent, des compagnies comme Lufthansa et Air France se sont aussi illustrées par des tensions très fortes entre pilotes et direction de l’entreprise.La situation de Ryanair tient pour partie de l’accident de parcours et ne permet pas de conclure à un mauvais management structurel dans l’entreprise. Pour Lidl, le paradigme paraît être différent : localement (ou à plus grande échelle, on ne sait pas bien), le management harcèle les salariés. Pourquoi, parce que ces salariés, polyvalents et sans beaucoup de qualification, peuvent être remplacés sans difficulté, notamment s’ils craquent physiquement ou moralement en démissionnant. On est alors enclin à conclure que low cost veut dire mauvais management, au sens d’un management ‘dur’ et non respectueux des salariés.

Pourtant, toutes les entreprises low cost ne sont pas, en termes de management, dans des pratiques identiques à celles de Lidl. Les premières compagnies low cost se sont constituées dans l’univers des services, notamment dans l’aérien. Elles se sont construites sur des coûts bas mais aussi sur un personnel engagé, sensibilisé à la qualité de l’interaction entre le personnel et le client. Nous ne parlons pas ici de salaire : on sait depuis les travaux de Herzberg (dès les années 60) que la motivation dans le travail ne dépend pas directement du salaire. De même, les entreprises low cost fonctionnent avec des boucles de décision courtes, où la décision se prend sur le terrain, au niveau du personnel en interaction avec le client, et pas dans le bureau d’un manager… Ces circuits de décision courts sont de nature à motiver et responsabiliser les salariés.

Quelles pistes pour les entreprises low cost ?

  • D’abord, évaluer honnêtement leurs pratiques de management. Les exemples relevés dans la presse sont-ils représentatifs de l’entreprise dans son ensemble ou révèlent-ils des situations locales atypiques ? Si c’est ce dernier cas, il faut corriger par exception. Si c’est le premier, la remise en cause amènera un questionnement culturel et organisationnel.
  • Le cas échéant, analyser en profondeur la culture et l’organisation d’une entreprise, n’a rien d’anodin en ce qu’il demandera à l’entreprise de réviser ses équilibres. Ainsi, les structures locales où il n’y a plus aucune fonction support – RH par exemple – pour réguler, sont très souvent explicatives d’un management de terrain déviant. La révision des équilibres de l’entreprise sera utile et bénéfique.
  • Ensuite, réfléchir aux innovations possibles sur le travail. Si le métier de caissier est à la fois physiquement très contraignant, peu qualifié et sans beaucoup de valeur-ajoutée, ne doit-il pas être transformé, voire supprimé en basculant sur une généralisation des bornes de paiement en libre service pour le client ? L’acceptation de l’innovation est un formidable levier pour les entreprises. Le low cost a fortement innové dans la conception de son modèle ; il doit peut-être revenir sur l’innovation pour se transformer.
admin9806
marsacp@yahoo.fr