Transport aérien : le low-cost a-t-il atteint ses limites ?

Transport aérien : le low-cost a-t-il atteint ses limites ?

Comme le montrent les successives annulations de vols par Ryanair, le modèle du transport aérien à bas tarifs est appelé à se réinventer.

Ryanair a surpris désagréablement en annulant des centaines de vols entre septembre et octobre puis entre novembre et mars 2018. La compagnie low cost irlandaise Ryanair a justifié ces annulations prétextant vouloir améliorer ses statistiques de ponctualité …Un argument qui ne convainc personne.

Il semble qu’en fait Ryanair n’a eu d’autre choix que d’annuler des vols, car l’entreprise manque de pilotes : on parle de 700 départs à la concurrence sur 4.000 pilotes, soit plus de 1 sur 6. Le low cost long-courrier Norwegian aurait à lui seul embauché 150 pilotes de Ryanair.

Les conséquences négatives ont été immédiates : chute du cours de l’action, rappel à l’ordre des autorités de régulation sur les droits des passagers et leur rapatriement éventuel, critique féroce des clients sur les réseaux sociaux. Le chiffrage des effets de moyen terme est plus difficile (réputation de l’entreprise, chiffre d’affaires annuel), mais pour autant préoccupant.

Efforts demandés et moindres salaires

On peut difficilement imaginer que les départs des pilotes aient été souhaités par l’entreprise et la conclusion apparaît donc comme une mauvaise gestion, en fin de compte, des ressources clés de l’entreprise. La cassure, brutale, est venue des actions de l’entreprise pour demander aux pilotes de contribuer aux efforts de productivité.

La pression concurrentielle amène toutes les compagnies aériennes, pas seulement les low cost, à engager des actions continues d’amélioration de gains de productivité. On comprend donc que les pilotes ont été ciblés chez Ryanair pour des gains de productivité et que la tension créée par la direction de l’entreprise, avec les pilotes, n’a pas été bien pesée.

On est aussi face à un problème RH qui se traduit par une cassure du dialogue avec les pilotes. Mais la thèse de la cassure brutale ne peut à elle seule expliquer ce qui s’est passé : en effet, les chiffres de salaires moyens évoqués pour les pilotes de la compagnie semblent indiquer un salaire moyen bien moindre que dans les autres compagnies. Il y avait un déséquilibre structurel en oeuvre.

Un modèle à réviser

Est-ce le début de la fin ? Oui, peut-être. Il y a dans l’actualité de Ryanair le révélateur que l’avantage concurrentiel développé par les compagnies low cost, sur un modèle de coûts plus faible, n’est pas garanti dans sa pérennité. Le point est particulièrement sensible dans l’aérien où les concurrents low cost de Ryanair se multiplient et où les compagnies traditionnelles ont aussi développé des réponses similaires de compagnies à faibles coûts. Autrement dit, si tout le monde fait pression sur les coûts, il n’y aura pas forcément de gagnant et l’échec des meilleurs, comme Ryanair, n’est pas exclu.

Une entreprise comme Ryanair peut-elle changer son modèle ? La question doit être posée. La réponse est oui, peut-être, mais le succès du déplacement n’est pas garanti. Par exemple, Easyjet, le principal concurrent de Ryanair sur le court et moyen-courrier, a changé depuis des années son modèle de low cost originel (aéroports secondaires) pour se positionner entre le modèle d’origine (Ryanair) et les compagnies traditionnelles.

On a vu aussi certains «hard discounters» faire évoluer leur modèle avec la même logique. Le succès a été au rendez-vous, mais si de nombreux acteurs font un même déplacement dans l’espace concurrentiel, tous ne pourront pas être vainqueurs.

Une autre possibilité offerte aux entreprises low cost va être la recherche de fusions, ou à défaut des mises en synergies communes (par exemple, constituer une centrale d’achats communs), pour continuer à tirer les coûts vers le bas. Les grandes opérations de consolidation entre entreprises arrivent généralement quand les coûts opérationnels n’arrivent plus à être réduits. On peut donc anticiper de telles opérations parmi les low cost.

Par Jean-Francois Gagne, enseignant chercheur en management à l’Université Paris-Dauphine et Professional Associate d’Aldema Partners

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